Maison Santé La France compte deux fois plus de cancers qu’en 1990

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La France compte deux fois plus de cancers qu’en 1990

Première cause de décès chez l’homme en France, deuxième chez la femme : malgré des progrès thérapeutiques indéniables, le cancer reste un enjeu crucial de santé publique. Et ce d’autant plus que le nombre de cas continue d’augmenter, observe-t-on dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France (SPF) publié ce mardi. S’appuyant sur des données des registres de cancers de 1985 à 2018, l’étude dresse le dernier portrait en date – le précédent remontait à 2019 – de la répartition des cancers, leur fréquence et leurs causes possibles.

Premier enseignement de ce travail réalisé en partenariat par SPF, le réseau français des registres de cancers (Francim), l’Institut national du cancer (InCA) et les Hospices civils de Lyon : le nombre de nouveaux cas de cancer par an pour 100.000 habitants (incidence) a doublé entre 1990 et 2023, avec une augmentation de 98 % observée chez les hommes et de 104 % chez les femmes. Une hausse largement liée à l’accroissement de la population (qui compte pour 30 % de l’augmentation totale) et à son vieillissement (48 % chez les hommes, 27 % chez les femmes). Le reste relève de la hausse du risque, associé notamment aux comportements (consommation de tabac, d’alcool, alimentation déséquilibrée, sédentarité…), et de l’évolution des pratiques de diagnostic (un cancer peut être évité lorsque les cellules sont détectées au stade précancéreux et retirées). À noter que les chiffres portant sur la période 2019-2023 reposent sur des projections statistiques, les dernières données exploitées dans l’étude s’arrêtant à 2018.

Hommes et femmes, des évolutions différentes

Sur cette base, les experts en santé publique estiment à 433 136 le nombre de nouveaux cancers détectés en 2023, dont plus de la moitié (57 %) concerne des hommes. Chez ces derniers, le cancer de la prostate reste de loin le plus fréquent (59 885 cas, soit 24 % de tous les cancers), devant le poumon (14 %) et le cancer colorectal (11 %). Les femmes sont en priorité touchées par le cancer du sein (61 214 cas, soit 33 %), puis le cancer colorectal (11 %) et le poumon (10 %).

Mais l’évolution des habitudes de vie pourrait bouleverser cette hiérarchie. Les femmes fument de plus en plus, les hommes de moins en moins. L’écart entre les deux, autrefois très important, se réduit : il n’est plus désormais que de 4 points. Comme un cancer met du temps à apparaître après l’exposition au risque, les conséquences se feront vraisemblablement sentir plus tard. Mais d’ores et déjà, on peut voir que l’incidence globale des cancers a reculé dans la population masculine depuis 2010 (-0,3 % par an) alors qu’elle progresse chez les femmes (+0,4 %). Pour le poumon, des tumeurs très largement causées par la cigarette, l’écart de dynamiques est flagrant : +4,3 % annuels chez les femmes, mais -0,5 % chez les hommes. À ce rythme, «l’incidence du cancer du poumon chez les femmes pourrait rattraper celle des hommes», met en garde le Dr Florence Molinié, présidente de Francim. Pour la même raison, les cancers de l’ensemble lèvres-bouche-pharynx ou de l’œsophage sont aussi en augmentation dans la population féminine.

D’autres cancers liés à des facteurs de risque progressent, comme le mélanome causé par l’exposition aux UV (+2 % par an depuis 2010). En revanche, des améliorations sont constatées dans le cancer de l’estomac, des ovaires ou du col de l’utérus. Chez les hommes, devant le recul du cancer colorectal, les experts avancent plusieurs hypothèses. Le tabagisme et la consommation d’alcool, deux facteurs de risque, tendent à diminuer, quoique lentement. Le dépistage national organisé (à partir de 50 ans, tous les deux ans), qui permet de détecter des tumeurs pré-invasives, contribue aussi à «en faire disparaître» certains, souligne le Pr Norbert Ifrah, président de l’INCa, déplorant néanmoins «l’adhésion très modérée des Français» à la campagne.

L’impact inconnu du Covid

Reste un grand point d’interrogation : celui de l’impact de la pandémie de Covid et de la crise d’accès aux soins qui l’a accompagnée, puisque les données exploitées dans l’étude s’arrêtent à 2018. «Les tendances 1990-2023 présentées correspondent à l’évolution “au long cours” des cancers, traduisant l’évolution attendue (hors pandémie) du fait de l’évolution des facteurs de risque et de la démographie en France, expliquent les auteurs de l’étude du BEH. L’ampleur de ces perturbations n’est pas encore connue, mais une étude analysant les hospitalisations pour un nouveau cancer nous en donne toutefois un premier ordre de grandeur: cette étude indique que le nombre de personnes hospitalisées pour un nouveau cancer observé en 2020 est inférieur de 5% au nombre attendu hors crise sanitaire. Pour 2021, ce déficit d’hospitalisation est de 1% par rapport à l’attendu.» Les experts émettent toutefois l’hypothèse qu’après «des années perturbées par la pandémie (2020, 2021 et 2022), l’incidence aura retrouvé en 2023 son niveau attendu hors pandémie».

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